« Droits culturels ? » : retour sur le Feu de camp #2

Publié par Souffler sur les Braises le

Souffler sur les Braises Feu de camp 2 droits culturels arpentage Déclaration de Fribourg coopération analyse échange de pratiques

Le deuxième Feu de camp de Souffler sur les Braises a eu lieu le lundi 30 mai 2022 à L’Ali’mentation Générale à Bergerac. Un grand merci à l’équipe du Melkior Théâtre pour leur accueil. Ce deuxième temps d’échange et d’analyse de pratiques portait sur les droits culturels. Nous avions proposé aux participant·e·s de (re)découvrir la Déclaration de Fribourg, texte fondateur des droits culturels pour revenir à l’essence même de ces droits fondamentaux souvent méconnus et/ou mal compris. Nous avons utilisé a cette fin une technique de lecture collective appelée arpentage. Nous faisons le choix d’évoquer ici uniquement la méthode, et les sujets qui ont particulièrement interpellé/fait débat.

L’arpentage : une méthode de lecture collective

Après un tour de table pour permettre à chaque participant·e de se présenter et partager ses attentes, nous avons proposé à tou·te·s de prendre connaissance de la Déclaration de Fribourg grâce à la technique de l’arpentage. Mise en place dans les cercles ouvriers au XIXème siècle, utilisée par la résistance lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’arpentage est une technique de lecture collective qui permet d’appréhender plus facilement des ouvrages ardus et/ou volumineux. C’est une méthode d’éducation populaire.
La Déclaration de Fribourg comprend 12 articles. Nous avons constitué 2 groupes. Le premier s’est attaché à la lecture collective du préambule et des articles 1 à 4, le second à celle des articles 5 à 12. À l’issue de la lecture collective, chaque groupe devait restituer à l’autre sa compréhension et ses réflexions concernant les articles explorés. Et répondre aux questions éventuelles. Cette restitution s’est faite oralement sans support. Mais elle peut selon les thèmes et ouvrages arpentés prendre des formes diverses laissées au choix des participant·e·s : exposé, poster, saynète, chanson, diaporama, quizz…

Quelle est l’origine des droits culturels ?

Le groupe 1 qui s’est penché sur le préambule et les articles 1 à 4, s’est beaucoup questionné sur l’origine des droits culturels. Il en est fait une première fois mention dès 1948 dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), aux articles 26 (éducation) et surtout 27 (arts et culture).

“Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.” Art.27-1 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

Qui a rédigé cette déclaration et dans quel contexte ?
La DUDH a été rédigée par des membres de différentes nationalités de la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies juste après la création de celle-ci. Le monde peine à se relever de la Seconde Guerre Mondiale; les actes de barbarie commis et notamment les atrocités nazies ont secoué les consciences humaines. C’est donc en réaction que la Déclaration a été adoptée le 10 décembre 1948 par l’ONU. C’est la première fois que des pays se sont mis d’accord pour protéger des droits et des libertés, afin de permettre à chacun·e de vivre dans la liberté, l’égalité et la dignité.

La religion aussi ?

La culture telle que définie à l’article 2 de la Déclaration de Fribourg interpelle les participant·e·s du groupe 2 par l’ampleur de ce qu’elle englobe, et notamment les croyances et pratiques religieuses.

“Le terme “culture” recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et son développement.”
Art.2-a de la Déclaration de Fribourg

Elle vient chahuter une vision de la laïcité à la française qui a pris le chemin d’une neutralité exacerbée au détriment parfois de la reconnaissance positive de la liberté d’expression religieuse, d’un pluralisme démocratique.
Nous évoquons la situation des Ouïghours qui subissent une répression sans limite de la part du régime chinois pour renoncer à leur identité culturelle. Leur religion prenant part à cette identité (la grande majorité des Ouïghours est de confession musulmane, tandis que certains sont de confession chrétienne), plusieurs pratiques les privant de leurs droits culturels ont été mises en oeuvre par le régime chinois : destruction de mosquées, surveillance/interdiction du jeûne pendant le Ramadan, internement en “camps de rééducation” visant à prêter allégeance au parti communiste et renoncer à leur religion…

Les autres droits fondamentaux pour garde-fou ?

“Les Ouïghours je comprends, mais est-ce à dire que toute pratique religieuse, y compris l’excision, s’inscrit dans le champ des droits culturels ?”. Fort heureusement non ! Car aucun droit fondamental ne peut s’exercer au détriment d’un autre. Le propos de ces droits fondamentaux est bien de permettre aux individus de vivre dans la liberté, l’égalité et la dignité. Une pratique comme l’excision ne saurait ainsi en aucun cas être légitimée par les droits culturels.

“Nul ne peut invoquer ces droits pour porter atteinte à un autre droit reconnu dans la Déclaration universelle ou dans les autres instruments relatifs aux droits de l’homme.”
Art.1-c de la Déclaration de Fribourg

Et c’est bien en cela que la crainte du communautarisme souvent évoquée comme argument contre les droits culturels n’a en réalité pas de fondement. Les droits culturels visent avant tout, par la reconnaissance de la diversité culturelle, à mieux faire humanité ensemble.

Pas d’opposabilité ?

“Les droits culturels sont-ils opposables ?”. Non. Il n’existe pour l’instant pour un·e citoyen·ne pas de voie de recours pour faire valoir ses droits culturels et la puissance publique n’a pas d’obligation de résultat. La crainte de l’opposabilité a d’ailleurs failli (entre autres motifs) coûter aux droits culturels leur inscription dans la loi NOTRe.

Conclusion

“Mais en fait, si la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme était appliquée on n’aurait pas besoin du reste…”. Ce n’est pas faux. Tous les textes rédigés après 1948 ont visé avant tout à expliciter cette notion de droits culturels pour en favoriser l’appropriation et la mise au travail par les Etats. C’est tout le propos de la Déclaration de Fribourg de rassembler et expliciter ces droits reconnus par ailleurs mais dispersés dans de nombreux instruments juridiques.

Remerciements :
Un grand merci à Véronique, Emilie, Nathalie, Marc, Virginie, Géraldine, Nelly, Jessica et Clément d’avoir participé à ce deuxième Feu de camp.
Merci également à L’Ali’mentation Générale et au Melkior Théâtre de nous avoir accueillis.

Ressources :
Déclaration de Fribourg
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme


0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *